Ce titre peut paraître provocateur mais, malheureusement, il ne fait que traduire en raccourci notre réalité.
Depuis mon enfance, j’entends à longueur de journée qu’il faut taire ses émotions, dépasser les insatisfactions, transcender les difficultés. Enfin bref, sourire à la vie en toute occasion.
Derrière ces injonctions pleines de bonne volonté, de quoi s’agit-il ? En fait, on nous propose tout simplement de souffrir en silence, de sauver la face même si l’intérieur va mal. Nous ne sommes pas heureux mais il ne faut pas le montrer, pas l’accepter, refouler en nous cette révolte contre la vie, contre notre vie. Il est de bon ton d’exprimer la partie rayonnante de nous-même et de refouler la partie obscure dans les bas-fonds de notre inconscient.
Mais que deviennent nos frustrations, nos peurs, nos stress, nos colères ? Où vont ces émotions ? Peuvent-elles disparaître par la simple force de notre volonté, comme d’un coup de baguette magique ? Et non, elles continuent à tourner en rond en nous. Tapie dans l’ombre de l’assurance que nous affichons, l’angoisse rôde. Derrière le sourire positif, la peur est toujours là.
Pour réprimer nos peurs, dans le meilleur des cas, nous utilisons beaucoup d’énergie : j’ai peur quand je fais du ski, mais je suis courageux et je suis fier d’être plus fort que ma peur… Peu importe si je suis vidé ensuite. Une bonne nuit de sommeil et je serai d’attaque pour faire face à d’autres défis, avec d’autres peurs. C’est le cas de figure le plus optimiste.
Cela devient plus grave lorsque notre corps réagit par de multiples manifestations indésirables : tout le cortège des réactions psychosomatiques est concerné, mais avec également, les chercheurs en sont de plus en plus convaincus, la plupart des maladies.
En effet, chaque fois que je veux faire taire une émotion qui ne me convient pas ou que je la réprime parce qu’elle n’est pas convenable pour mon entourage, je me mets physiquement en danger.
Pour limiter les dégâts, nous avons pour la plupart adopté une attitude salutaire : éviter le plus possible tout ce qui nous met en difficulté. Le problème, c’est que nous finissons par avoir une vie extrêmement rétrécie. Bien installés dans notre zone de confort, nous ne mettons plus le nez dehors et nous laissons s’éloigner les mille et une possibilités d’une vie meilleure – la vie que, au fond de nous-même, nous aimerions vivre. L’amertume, l’insatisfaction, la colère nous guettent, et ces émotions finissent à leur tour par se transformer en manifestations psychosomatiques ou en maladies. En fin de compte, l’évitement retarde l’échéance mais nous n’y échappons pas !
Il nous faut arrêter de nous cacher, de masquer nos paniques, de gérer nos stress, de tenir à distance nos phobies, de surmonter nos inhibitions, de réprimer nos colères, notre violence. L’heure est venue de cesser de faire l’autruche. Il est temps d’aller à la rencontre de nos peurs. Elles sont le signal que quelque chose ne va pas, en nous, à l’intérieur. En effet, ce n’est pas l’extérieur qui provoque nos difficultés, ce sont bien nos propres dysfonctionnements qui nous polluent l’existence. Pourquoi est-ce que je me mets en colère contre mon enfant ? Parce qu’il ne fait pas ce que je veux ? Non, cette agressivité est seulement l’expression de ma peur, la peur qu’il ne réussisse pas, la peur de ne pas savoir l’aider, la peur de ne pas être écouté ou respecté, etc. M’emporter après mon enfant arrangera rarement la situation et, de toute façon, ne résoudra pas la peur qui me pousse à l’agressivité.
Toutes ces émotions désagréables que je refoule, que je cache, ce sont pourtant elles qui me montrent la voie. Elles m’invitent à les suivre pour me conduire là où je peux enfin les rencontrer et les traverser une bonne fois pour toutes.
Nous avons tous la capacité naturelle de réguler nos émotions, définitivement. Dès que nous sommes en réaction émotionnelle, il nous suffit de porter attention aux sensations présentes dans notre corps et de rester en connexion avec elles, sans rien faire, sans rien vouloir, le temps qu’elles évoluent jusqu’à s’apaiser. Le processus dure une trentaine de secondes en moyenne. Après cela, nous sommes sereins et faire face à la situation qui exacerbait notre peur ne provoque plus aucune manifestation émotionnelle indésirable. Et elle n’en provoquera plus jamais.
Cette capacité naturelle est universelle, quelle que soit notre culture, notre éducation, nos croyances. Elle est disponible à volonté, sans aide extérieure. Il suffit de changer nos habitudes. Nous n’avons pas besoin de chercher à gérer nos émotions en positivant, en respirant un bon coup pour se relaxer, en avalant de la nourriture, des médicaments ou des drogues pour les calmer, en se lançant à corps perdu dans une activité, etc.
Désormais, inutile de faire bonne figure en s’efforçant de sourire quand la peur nous gagne : traversons-là et elle disparaitra définitivement et nous pourrons alors, naturellement, sans effort, sourire magnifiquement à la vie.